Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remarquer que ces deux groupes de souvenirs, — souvenirs auditifs et souvenirs moteurs, — sont de même ordre, également concrets, également voisins de la sensation : ils sont, pour revenir à l’expression déjà employée, sur un même « plan de conscience ».

Au contraire, si le rappel s’accompagne d’un effort, c’est que l’esprit se meut d’un plan à un autre.

Comment apprendre par cœur, quand ce n’est pas en vue d’un rappel instantané ? Les traités de mnémotechnie nous le disent, mais chacun de nous le devine. On lit le morceau attentivement, puis on le divise en paragraphes ou sections, en tenant compte de son organisation intérieure. On obtient ainsi une vue schématique de l’ensemble. Alors, à l’intérieur du schéma, on insère les expressions les plus remarquables. On rattache à l’idée dominante les idées subordonnées, aux idées subordonnées les mots dominateurs et représentatifs, à ces mots enfin les mots intermédiaires qui les relient comme en une chaîne. « Le talent du mnémoniste consiste à saisir dans un morceau de prose ces idées saillantes, ces courtes phrases, ces simples mots qui entraînent avec eux des pages entières[1]. » Ainsi s’exprime un traité. Un autre donne la règle suivante : « Réduire en formules courtes et substantielles…, noter dans chaque formule le mot suggestif… associer tous ces mots entre eux et former ainsi une chaîne logique d’idées[2]. » On ne rattache donc plus ici, mécaniquement, des images à des images, chacune devant ramener celle qui vient après elle. On se transporte en un point où la

  1. Audibert, Traité de mnémotechnie générale, Paris, 1840, p. 173.
  2. André, Mnémotechnie rationnelle, Angers, 1894.