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paresse de la mémoire associative, comme celle que suppose Heymans, rendrait simplement pénible la reconnaissance de l’entourage : il y a loin de cette reconnaissance pénible du familier au souvenir d’une expérience antérieure déterminée, identique de tout point à l’expérience actuelle. Bref, il semble bien qu’il faille combiner ce dernier système d’explication avec le premier, admettre que la fausse reconnaissance tient en même temps à une diminution de la tension psychologique et à un dédoublement de l’image, et rechercher ce que devra être la diminution pour produire le dédoublement, ce que sera le dédoublement s’il traduit une simple diminution. Mais il ne peut être question de rapprocher artificiellement les deux théories l’une de l’autre. Le rapprochement se fera de lui-même, croyons-nous, si l’on approfondit dans les deux directions indiquées le mécanisme de la mémoire.

Mais nous voudrions présenter d’abord une remarque générale au sujet des faits psychologiques morbides ou anormaux. Parmi ces faits, il en est qui tiennent évidemment à un appauvrissement de la vie normale. Telles sont les anesthésies, les amnésies, les aphasies, les paralysies, tous les états enfin qui sont caractérisés par l’abolition de certaines sensations, de certains souvenirs ou de certains mouvements. Pour définir ces états, on indiquera purement et simplement ce qui a disparu de la conscience. Ils consistent en une absence. Tout le monde y verra un déficit psychologique.

Au contraire, il y a des états morbides ou anormaux qui paraissent se surajouter à la vie normale, et l’enrichir au lieu de la diminuer. Un délire, une hallucination,