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THÉOPHILE GAUTIER.

souvenirs désagréables ; les succès qu’il obtenait sur ses camarades suscitèrent contre lui tant de jalousies que, sur la demande de son père, on fut forcé de lui donner une garde de deux « grands », qui le reconduisaient jusqu’à la maison paternelle. Sans cette précaution, il eût été assommé à la sortie des classes. Son père, homme fort instruit, comme je l’ai dit, lui servait de répétiteur. « C’est lui qui fut, en réalité, mon seul maître », déclarait plus tard le poëte. Le temps des récréations était invariablement consacré par l’écolier à dessiner et à peindre, et toute sa famille croyait à cette époque que Théophile serait peintre. J’ai raconté ailleurs (voir Théophile Gautier, peintre, chez J. Baur, 1877) comment, à quatorze ans, et pendant les vacances de 1825 qu’il passa à Maupertuis, chez l’abbé de Montesquiou, il se chargea de la réparation des tableaux de l’église et même de la décoration de la grande nef. Il parvint de la sorte jusqu’en rhétorique, manifestant une prédilection littéraire fort significative pour ce qu’on appelle les auteurs de la décadence. Il préférait ouvertement Claudien à Virgile, Martial à Horace, Pétrone, Apulée, et même Lactance et Tertullien à Cicéron et à Quintilien. Il parodiait volontiers leurs styles colorés, riches en mots et corrompus, dans ses compositions. Ainsi il pensait même en ce temps-là que la décadence n’est le plus souvent que le point culminant de