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II

Par le temps de passions politiques qui court, nombre de gens me trouveront peut-être malavisé d’avoir mis au jour certaines lettres de la correspondance du poëte. Ils demanderont s’il était bien utile de rappeler au public que Théophile Gautier, dont la belle figure littéraire est sympathique à tous les partis, fut dévoué à la famille impériale. Je me bornerai à demander à ces personnes ce qu’elles auraient pensé de moi si j’avais supprimé ces lettres qui sont parmi les plus intéressantes, et s’il n’y aurait pas naïveté de ma part à croire que ses contemporains ont déjà oublié quelle place il occupait dans les régions officielles.

D’ailleurs il est de notoriété publique que Théo-

    son œil de peintre n’était affecté que de la couleur des mots sur le papier. Une de ses métaphores familières pour dire qu’il allait travailler était : « Je vais mettre du noir sur du blanc. » Je m’amusai quelquefois à le taquiner sur la manière déplorable dont il corrigeait les épreuves de ses articles ou de ses livres ; à la vérité, il n’y entendait pas grand’chose, et il trouvait que certains mots avaient plus de caractère sans l’orthographe qu’avec elle ; c’était dommage de les changer, et, si on l’écoutait, on les laisserait tels quels pour le plaisir des yeux. En somme, concluait-il, les plus beaux livres sont ceux où il y a le plus de papier blanc.