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THÉOPHILE GAUTIER.
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ignorant du poëte hautain. Que de gens ne pourrais-je pas compter qui, d’abord effrayés par l’opulence de sa langue, prévenus par leur éducation même contre la recherche inusitée du terme précis, systématiquement rebelles à l’emploi de toutes les ressources dont dispose le vocabulaire français, n’ouvraient un livre de Théophile Gautier que pour y trouver des preuves de la décadence dénoncée dans les colléges, des outrances romantiques et des intempérances de technique, et qui, le livre une fois commencé, ne pouvaient plus s’arracher au

    prédit : Tu n’en seras pas, d’un coup de sa baguette avait changé les bulletins dans l’urne, évidemment. Aussi quand je rencontre l’un des Quarante, tu me vois toujours pénétré de reconnaissance et de respect. Je me dis : En voilà encore un qui a fait le possible, et je le salue profondément ; quelquefois même je lui demande de ses nouvelles, car je ne crains plus d’être accusé de trop m’intéresser à sa santé, comme Léon Gozlan.

    — Quelle est cette histoire, lui demandai-je ?

    — Tu ne connais pas l’histoire de Gozlan avec son académicien ? Eh bien, voilà. À l’âge critique, malgré l’instinct qui lui criait, comme à moi, qu’il n’était pas prédestiné, Gozlan se laissa convaincre de hasarder quelques visites. Mais en fine mouche qu’il était, il voulut savoir d’abord comment sa candidature serait prise, et il se présenta tout de suite chez le plus grincheux, le plus rébarbatif, le plus momifié, le plus atroclassique des Quarante d’alors. Ce vieillard l’accueillit sans gloire. “Ah ! vous êtes M. Gozlan ? J’en suis charmé, mais je ne connais pas vos ouvrages. À mon âge on relit Racine”, et autres aménités. Sans se laisser démonter, Gozlan formule sa demande. “Vous voulez un fauteuil, quel fauteuil ? fait l’autre en humant une prise de tabac. Il n’y a pas de fauteuil libre à l’Académie, que je sache.

    — Monsieur, fit Gozlan en se levant, et avec une voix terrible, celui que je vous demandais, c’était le vôtre !” »