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LETTRES.

heureusement à Venise. Les 500 d’extraction si difficile me vont faire voler à tire-d’aile vers la France, patrie des beaux-arts et des belles manières. Je te remercie ex imo corde de toutes les peines que tu prends pour moi. Je t’en sais un gré extrême, sachant ta pudeur et ta délicatesse enfantine dans les affaires de douille, toujours si ennuyeuses et si répugnantes. Ce que tu fais pour moi, tu ne le ferais certes pas pour toi. Mais je ne pense pas comme Roqueplan que l’ingratitude est l’indépendance du cœur. Tu me parles d’une lettre de Maxime ; je n’ai reçu qu’un mot au commencement de mon voyage, puis rien. Peut-être que la chose est arrivée à Athènes après mon passage. J’y ai trouvé un pays, oh ! qu’il est doux d’être loué ainsi ! et une lettre de Londres de la signora à qui je vais écrire d’ici. Toutes ces choses m’ont beaucoup ennuyé et gâté un peu mon voyage. Athènes m’a transporté. À côté du Parthénon, tout semble barbare et grossier. On se sent Muscogulge, Uscoque et Mohican en face de ces marbres si purs et si radieusement sereins. La peinture moderne n’est qu’un tatouage de cannibale et la statuaire un pétrissage de magots difformes. Revenant d’Athènes, Venise m’a paru triviale et grotesquement décadente. Voilà mon impression crue. Adieu, cher Louis. Baise Maxime pour moi. Je serai à Paris dans la huitaine, sur le bienheureux boulevard de Gand, œil et nombril du monde. Je te serrerai la patte et tu me feras quatre-vingt mille questions à la minute. Regarde ma première lettre