c’était pour en voir que j’y étais allé. Il paraît qu’il en est venu deux il y a trois ans. On en attendait un cette année, mais la guerre de Chine lui a fait peur et il n’a pas osé se risquer chez les barbares d’Europe, de peur sans doute qu’on ne lui coupât la queue. Je n’ai pas vu de Chinois, mais d’autres choses fort curieuses et superbes dont personne ne parle comme de juste. Entre autres des commodités souterraines, babyloniennes et gigantesques, où mille hommes peuvent se satisfaire à la fois. Il y a des niches pour les mahométans, les adorateurs du feu, les chrétiens de diverses sectes qui ne s’accroupissent pas de la même manière. À chaque niche musulmane est suspendue une cruche pleine d’eau pour les ablutions. La nuit, on ouvre une écluse et tout le souterrain est inondé ; le matin on lève la vanne opposée et le résidu s’en va dans la rivière hors la ville. Assez sur ce propos : soyons calme et inodore ! Des marchands de thé, — non chinois mais russes, — ont été avec nous d’une amabilité extrême ; ils nous ont donné, sans vouloir être payés, du thé exquis et une brique de thé baskir, chose très-rare et très-curieuse ; il n’en existait que deux à la foire ; l’autre a été donnée au grand-duc Constantin. Ce thé nous a été d’un grand secours à travers les cuisines plus ou moins sauvages que nous avons été forcés d’avaler. La petite bande vit dans la plus parfaite union et va toujours ensemble comme les canes aux champs : le premier va devant, le second suit le premier et le troisième va le dernier. Toto,
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THÉOPHILE GAUTIER.
