propriété de Saint-Jean (voir Émaux et Camées), celle-là même où j’ai copié les lettres.
Mon devoir était d’aller jusqu’au bout, ne fût-ce que par curiosité. Je voulus savoir ce que Mme Carlotta Grisi me laissait de lettres du maître en échange de ces suppressions arbitraires. La liste de ces suppressions passe toute imagination. Sur quarante-six lettres, Mme Carlotta Grisi en réservait trente-quatre ! Et, sur ces trente-quatre, j’en ai compté plus de vingt-cinq où son nom n’est même pas prononcé et où il n’est pas question d’elle, même accessoirement. Ses exigences, d’ailleurs, étaient de celles dont on rirait de bon cœur s’il n’était pas si triste de voir une personne pour qui un homme de la valeur de Théophile Gautier a professé une amitié si disproportionnée déserter ainsi une noble mémoire.
Ainsi défigurée et réduite aux banalités courantes, la correspondance n’avait plus aucun intérêt pour le public ; il était de mon devoir de n’en plus tenir compte. Dieu veuille qu’elle ne soit pas perdue pour toujours et que tant de belles pages éloquentes, dans lesquelles tout le grand cœur de Théophile Gautier se révèle, ne disparaissent pas à jamais avec leur propriétaire ! Mais le droit est là, les lettres d’un écrivain appar-