France, œuvre de sa première jeunesse, ces tendances s’affirment d’une manière décisive, et ce n’est pas là le seul point par où Théophile Gautier tient étroitement à la grande tradition française. Il se rattache à Rabelais par sa puissante envergure, par son respect pour l’esprit et pour la chair et surtout par sa science universelle, car aucune notion ne lui fut étrangère, ni la technique d’aucun art ; et si quelqu’un récréa, renforça, revivifia notre poésie et notre prose, toutes les deux malades, énervées et anémiques, ce fut surtout Théophile Gautier qui, sachant qu’on peint avec de la couleur et non avec du sentiment et de la bonne volonté, eut le courage d’étudier les religions, les philosophies, d’apprendre tous les dictionnaires, tous les patois, les mots spéciaux de tous les métiers, et de reprendre en sous-œuvre, sans orgueil et aussi sans infériorité, la tâche gigantesque du père de Pantagruel, de l’Homère français.
« Je n’ai pas à louer les poésies, les romans de Théophile Gautier, qui sont dans toutes les mémoires ; ni ses comédies, des chefs-d’œuvre de gaieté robuste qui ne perdent rien de leur éclat à côté des plus illustres farces de notre théâtre. Dans une nouvelle exquise, Fortunio, le poëte suppose qu’un fils de l’Orient s’est fait en plein Paris un paradis de pourpre, d’or, de pierreries, de lumière, où il échappe à la civilisation, et où il est servi