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THÉOPHILE GAUTIER.

ters à la porte de pareils endroits, personne n’osera plus y entrer ouvertement, comme je l’ai fait jusqu’à présent, et voilà toute une branche de l’industrie dévastée, sans compter les culottes, ajouta-t-il en riant.

« Ce qu’on peut ruiner de gens avec un mot est inconcevable. Voilà pourquoi je te conseille la plus grande réserve dans ce que tu écris. Nous en sommes arrivés à ce point de liberté qu’il ne faut plus rien dire et que tout est de trop dans un article. On m’a souvent demandé la cause de mon indulgence dans la critique, et beaucoup l’ont attribuée à une indifférence implacable pour les productions du temps actuel. C’est une erreur. On oubliait toujours que j’écrivais dans le journal officiel du gouvernement et que les arrêts que j’y portais prenaient de cette officialité une portée toute particulière. Si j’avais condamné trop péremptoirement une œuvre d’art, tableau, statue ou comédie, j’aurais entravé la carrière de l’artiste et lui aurais souvent volé son pain. D’ailleurs, je savais ce que c’est que produire et n’en jugeais pas à la légère comme ton ami Sarcey et ceux de son école qui s’imaginent que le rôle de la critique consiste à trouver les défauts d’une œuvre et à les mettre en lumière, et qui avant quinze ans auront tari toutes les sources vives de la production à force de dire aux gens qu’ils n’y entendent rien et de décourager toutes les tentatives. Et puis, si l’en-