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ENTRETIENS.
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« Mon rôle à moi dans cette révolution littéraire était tout tracé. J’étais le peintre de la bande. Je me suis lancé à la conquête des adjectifs ; j’en ai déterré de charmants et même d’admirables, dont on ne pourra plus se passer. J’ai fourragé à pleines mains dans le XVIe siècle, au grand scandale des abonnés du Théâtre-Français, des académiciens, des tabatières-Touquet et des bourgeois glabres, comme dit Pétrus. Je suis revenu la hotte pleine, avec des gerbes et des fusées. J’ai mis sur la palette du style tous les tons de l’aurore et toutes les nuances du couchant ; je vous ai rendu le rouge, déshonoré par les politiqueurs, j’ai fait des poëmes en blanc majeur, et quand j’ai vu que le résultat était bon, que les écrivains de race se jetaient à ma suite et que les professeurs aboyaient dans leurs chaires, j’ai formulé mon fameux axiome : Celui qu’une pensée, fût-ce la plus complexe, une vision, fût-ce la plus apocalyptique, surprend sans mots pour les réaliser, n’est pas un écrivain. Et les boucs ont été séparés des brebis, les séides de Scribe des disciples d’Hugo, en qui réside tout génie. Telle est ma part dans la conquête. »

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« Dans votre idée, fis-je, cette conquête doit-