— Libre, non assurément. Elle n’est pas plus libre qu’un corps gêné dans des habits trop étroits, ou même qu’un corps sans habits aucun, et par conséquent ne pouvant sortir dans la rue. Tantôt elle étouffe et tantôt elle grelotte. Mais dès qu’elle trouve dans les mots un vêtement à sa mesure, la voilà qui déjà marche ; et si ces mots sont d’une coupe élégante et d’une riche coloration, elle s’enhardit et triomphe, car belle et bien attifée, elle se sent mieux accueillie et par une meilleure société. Et si un poëte lui attache aux pieds les deux ailes sonores de la rime, elle s’envole et plane. »
« Les idées naissent duchesses, même dans une mansarde. Avec leur prétendu goût classique, s’écriait-il encore, qui, sous prétexte que l’idée est belle toute nue, consiste à la vêtir d’une feuille de vigne et à la produire au bout d’une corde, on marchait tout droit au style télégraphique et au bulletin. Victor Hugo n’a fait 1830 que pour enrayer cette dégringolade de la langue ; sa forte main a retrouvé dans l’ombre des temps la main puissante du vieux Ronsard, et il a renoué, par-dessus deux siècles de boileautisme aigu, les fécondes traditions de la Renaissance. »