néant sans laisser de trace ; une voix éteinte, l’est pour la consommation des siècles, et la nature entière avec ses cent mille orchestres, et les échos multipliés jusqu’à l’infini de ces orchestres, n’en retrouve plus la donnée, même par hasard. Pas une sonorité, pas une notion ! Rien n’en fixe la modulation, n’en atteste le charme ou la portée, rien ! Un cri d’oiseau perdu dans les bois, cela se retrouve ; un Stradivarius brisé, cela se refait : mais le son particulier à un certain larynx, non. Et non-seulement ce son est perdu pour toujours, mais la mémoire humaine, ce miroir du temps et des choses, n’en réfléchit rien. Est-ce bizarre ! » Il continua :
« La voix vient de l’âme, a-t-on dit ; je crois, moi, tout simplement qu’elle en est. C’est peut-être ce qui rend si complète sa disparition d’un monde où tout corps laisse une poussière. La voix est l’incarnation de l’âme, sa manifestation sensuelle évidente. À entendre une voix, je connais une âme, et les mots qu’elle émet ne me trompent pas sur elle. J’ai l’air de gasconner en ce moment et de vouloir t’éblouir par ma philosophie ; mais c’est du pur La Palisse ! veux-tu me dire pourquoi la voix ne serait pas une indication aussi sûre de l’être