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THÉOPHILE GAUTIER.

qu’une plume exercée et rompue à l’usage des métaphores peut encore rendre l’effet des voix d’étude et leur entité au besoin.

« Quant à la voix parlée, celle des commerces journaliers, la voix naturelle en un mot, la définition par le style m’en apparaît plus malaisée. On ne peut guère procéder là que par analogie ; il n’y a point d’illusion possible en tout cas, car tout terme précis manque ; c’est un monde physiologique inexploré par les philologues. Ma foi, si j’avais à reproduire au moyen des mots la voix de ma mère, que j’entends pourtant en ce moment, quoiqu’elle soit morte depuis plus de vingt ans, je ne sais pas moi-même comment je m’y prendrais. C’est un curieux problème littéraire, » ajouta le maître.

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Et il tomba dans une profonde rêverie. Puis il reprit : « De l’homme, dont tout meurt, ce qui meurt le plus c’est la voix. On sait ce que le reste devient, ou du moins on l’imagine ; mais la voix, que devient-elle ? qu’en reste-t-il ? Rien ne saurait restituer le souvenir d’une voix humaine à ceux qui l’ont oubliée ; rien ne peut en donner l’idée à ceux qui ne l’ont pas entendue. C’est un anéantissement implacable. Cela rentre dans le