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reusement suivie dans tout ce travail, confirmé l’interprétation naturellement indiquée par le sens ordinaire des termes.

C’est en procédant ainsi, c’est en me laissant instruire par les mots, au lieu de les plier aux exigences d’une simplicité voulue, que j’ai été conduit à tracer de la religion védique un tableau dont je vais d’avance, pour la commodité du lecteur, esquisser les principaux traits.

    de même. Mais je ne puis croire, avec MM. R. et Gr. qu’il soit au vers V, 68, 1, un adjectif employé comme épithète de girâ. Il est là construit en apposition avec ce mot et y a, comme au vers X, 61, 3 (ou M. Gr. ne maintient le sens de prêtre que par l’hypothèse d’une accentuation fautive), et dans l’expression vipâm jyottmshi, III, 10, 5 (cf. les prières brillantes, ci-dessous, p. 265), le sens de prière ou d’hymne. Ce dernier sens est admis du reste par M. Gr. pour le vers VI, 49, 12, ou les vipah sont les hymnes de celui qui est « éloquent », et où il est difficile de comprendre comment M. R. peut introduire son sens de «baguette ». — M. Gr. a renoncé pour plusieurs passages encore aux sens imaginés par M. R. On va voir qu’il aurait pu les abandonner complètement. Et d’abord, s’il renonce au sens de « baguette du tamis » pour les vers IX, 3, 2 et VIII, 6, 7, ou je substituerais d’ailleurs le sens d’« hymne » où « prière » à celui de « prêtre », pourquoi le garde-t-il aux vers IX, 22, 3 et IX, 99, 1 ? Le premier ne s’explique-t-il pas par les passages qui nous montrent le Soma purifié par la prière, IX, 96, 15 ; 113, 5, cf. 43, 3 (cf. d’ailleurs, dans le vers IX, 22, 3 lui-même, le mot vipaçcitah), et le second, mieux encore, par la comparaison de la formule âgre vâcah, IX, 106, 10 (cf. agte sindhûnâm IX, 86, 12), et de l’expression vâco agriyah IX, 7, 3, évidemment équivalente aux formules vipâm agre et vipâm agreshu, VIII, 6, 7 ? On sera sans doute peu disposé maintenant à retenir pour le seul vers IX, 65, 12 le sens de « baguette du tamis », et si l’on remarque de plus que le mot vipâ y est rapproché de dhârayâ comme l’est au vers IX, 10, 4 le mot girâ, on n’hésitera guère à l’interpréter dans le sens d’« hymne ». Le passage peut signifier par exemple « brillant avec cette prière-ci et avec cette prière-là » : les deux prières paraissent être d’ailleurs celles de la terre et du ciel. — M. Gr. admet dans son lexique, au vers VIII, 52, 7, le sens d’« hymne » (qu’il abandonne, il est vrai, pour celui de « flèche » dans sa traduction), et au vers VIII, 1, 4, le sens de « prêtre », auquel je substituerais celui d’« hymne ». Si l’on remarque que dans ces deux vers, il s’agit des hymnes de l’art, c’est-à-dire (contrairement à l’interprétation que M. Gr., dans sa traduction, conserve pour le vers VIII, 1, 4) de l’ennemi, du sacrificateur rival, on verra que ce dernier sens doit être étendu encore au vers IV, 48, 1 (où le mot na est négatif, cf. X, 22, 5), concernant le même sujet (cf. encore VIII, 54, 9, aryo vipaçcitah). — Le sens de « branche » a été suggéré à MM. R. et Gr. par les Vers VI, 44, 6 et VIII, 19, 83. Or il faut remarquer d’abord que ces deux passages n’ont rien de commun. On trouve bien dans l’un et dans l’autre l’idée de « branche », suggérée dans celui-là par le verbe vi rohanti, formellement exprimée dans celui-ci par le mot vayâh. Mais dans ce dernier, le mot vayâh appartient au premier hémistiche, « Agni, toi qui es (comme un tronc) sur lequel les autres feux croissant comme des branches », et l’idée exprimée par le second hémistiche n’a aucun rapport avec celle du premier. Le verbe « ni yu qu’on y rencontre n’ayant pris le sens de « s’emparer de » ou plutôt de « diriger à son gré » que par une métaphore tirée de l’art de conduire les chars, et signifiant proprement « atteler » (cf. niyut « attelage »), la méthode d’interprétation qui consiste à multiplier les significations d’un même mot pour simplifier le sens des formules védiques, aurait dû plutôt suggérer là