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tu pourras prétendre à tout. » Je devais avoir six ans à cette époque-là ; l’ambition ne me touchait pas encore, et l’enfance a ses instincts. À la vue du livre, je fondis en larmes.

« Que j’en ai versé depuis sur ce rudiment affreux ! tout souillé d’encre, presque en lambeaux, aux feuilles recroquevillées, où mes yeux se fixaient, il le fallait bien, mais où mon esprit ne se posa Jamais, je l’affirme ; car ce fut seulement dans l’adolescence que l’ambition de dépasser mes camarades m’ayant saisi, je me donnai la peine d’y entendre quelque chose. Une moitié de mon enfance donc se passa à regarder ce livre, tandis que la vie, au dehors pleine de soleil et d’harmonies, m’appelait, et que les bêtes et les plantes du bon Dieu y prenaient leurs ébats, sans que je fusse de la fête. Ainsi, tandis que votre enfance, Julienne, était complétement dépourvue d’exercice intellectuel, la mienne pécha par l’excès contraire, et en somme ne fut guère plus heureuse ni plus éclairée. L’homme ne sait point encore élever l’en-