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ment, j’aimais tant celui qui m’avait trahie, que la douleur me sépara de tout le reste du monde. Je vécus dans mes souvenirs, ne voyant rien, ne sentant rien que l’horrible peine de son abandon. Je comptais bien mourir ; mais je m’aperçus que j’étais mère. Alors, il me sembla que je n’avais pas perdu mon amour tout entier. Je me fis un devoir de vivre, et je travaillai avec courage pour mon enfant.

— Votre amant sut-il qu’il avait un fils ? demandai-je.

— Non : il n’avait pas le droit d’en être le père, puisqu’il m’avait abandonnée. Et il ne me vint point à l’idée de lui demander de l’argent pour un enfant qu’il volait de sa tendresse. Oh ! la vie fut dure, c’est vrai, pour nous deux. Plus d’une fois, quand le pain manquait, l’hiver, j’allai, l’enfant dans mes bras, chanter dans les cours des maisons les airs qu’il m’avait appris, au temps de nos fraîches et joyeuses amours. J’ai mendié, je n’en rougis pas. Quand la so-