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prise d’indignation, et je haïssais mon père. Tout le corps me tremblait d’une sorte de fureur ; et une fois je me levai pour défendre ma mère. Mais il me prit par le cou et faillit m’étrangler, et ma mère me défendit sévèrement de bouger en ces moments-là, « car, me dit-elle, c’est une folie, vois-tu, que lui donne le vin. »

« Hélas ! oui, une folie furieuse, contre laquelle on ne prend aucune mesure de sûreté, je ne sais pourquoi. Puisqu’on enferme les fous, ne devrait-on pas enfermer les ivrognes, et ne point exposer à leurs fureurs, soit dans la rue, soit dans la famille, les gens faibles et inoffensifs ? Et n’est-ce pas contre toute justice et toute raison de conserver les droits de père de famille à un fou furieux ? J’ai fait cette question plus d’une fois ; car c’est la grande plaie de nos familles, à nous autres, et nous rencontrons à chaque instant les malheurs qu’elle fait. On m’a répondu par d’étranges raisons comme celle-ci : qu’il fallait que la liberté fût respectée.