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de bosquets fleuris et de rêves charmants. Les bruits de la rue — dont les plus discordants me semblaient empreints malgré tout de quelque harmonie — me faisaient songer qu’il y avait des gens assez fortunés pour aller et venir en liberté, au soleil de tout le monde, et cela seul me semblait presque suffisant pour être heureux.

Bien d’autres pensées aussi, bien des souvenirs amers me revenaient à l’esprit ; mais je les évitais. Mes facultés, trop faibles, repoussaient la douleur, et l’instinct de la conservation, si puissant au sortir de la maladie, me conseillait d’attendre le retour complet de mes forces avant de rentrer en lutte avec l’ennemi terrible qui m’avait déjà terrassé. Je savais bien que j’avais beaucoup — trop — souffert ; mais ces choses-là me paraissaient un peu de l’autre côté d’un abîme, comme si mon suicide et ma maladie avaient opéré dans ma vie une solution de continuité et m’avaient réellement amené au seuil d’une existence nouvelle.