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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

d’air lui ayant été ordonné. C’était un bel enfant, vif, espiègle et d’une remarquable intelligence ; mais Yette avait gardé le souvenir de sa bonne humeur avec les gens, beaucoup moins que celui de sa cruauté inconcevable envers les bêtes. Ce défaut est fréquent du reste chez les jeunes créoles ; très braves et très déterminés pour leur compte, ils ont la fureur du combat et dressent les animaux à s’entre-déchirer. Rencontrait-il, par exemple, sur les murs un de ces lézards qu’on appelle anolis, Max fabriquait vite avec de l’herbe le lacet cabouïa, dont les nègres se servent pour prendre les serpents. Habitué au frôlement des herbes, l’anoli ne bougeait pas quand le cabouīa lui effleurait le museau. Crac ! Max donnait une secousse et l’anoli, muni d’un collier solide, avait beau se débattre, il était prisonnier. Aussitôt, avec l’aide de Tom ou d’un autre négrillon, Max s’en procurait un second, et, malgré les protestations de Yette, qui détestait que l’on tourmentât un être vivant, si peu intéressant qu’il fût, les deux anolis étaient mis en présence. Il n’y a rien de plus colère et de plus belliqueux que ces lézards des tropiques : leur jabot se gonfle, ils s’attaquent avec fureur, sans motif, pour le seul plaisir de se battre ; leur