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LE DÉPART.

mais Yette sait que chaque poil de ce velours s’enfonce dans la chair et y cause des démangeaisons, des brûlures intolérables. Elle ne s’y frottera pas !… non, le cri perçant qu’elle vient de jeter est un cri de joie. Elle a découvert un nid de karouge sous une feuille de balisier. C’est le plus joli hamac-miniature tissé en fibres, qu’un petit oiseau aux vives couleurs arrache, Dieu seul sait comment, à quelque plante textile. Tout un système de cordages le suspend à la large feuille qui lui sert de toit. Les nègres, enchantés d’entendre leur petite maîtresse, tout à l’heure si accablée, rire et battre des mains, veulent s’emparer du nid, en se frayant une voie au moyen de leurs coutelas dans les broussailles inextricables qui protègent le balisier ; mais soudain Yette redevient grave.

« Non, non, laissez les pauvres petits à leur maman, » dit-elle par un retour sur elle-même.

Cette halte est féconde en incidents. Les chiens qui ont suivi la caravane profitent du temps d’arrêt ; ils lèvent une sarigue. Aussitôt les nègres de poursuivre le manicou, comme ils l’appellent ; il n’y a pas de serpents qui tiennent !… Sans précautions aucunes, ils pénètrent au milieu des rochers et des halliers épineux. Bientôt, cependant, la course cesse, le manicou est monté sur un arbre