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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

que sous l’aile il sentait le ravet. « Compère Merle c’est ion bon ti zoiseau, mais c’est dommage en bas zaile li qué senti ravett. » (Le ravet est une petite bête infecte qui pullule à la Martinique.)

Là-dessus, le Merle, choqué, l’abandonna.

L’Araignée, après avoir bien ri de cette aventure, proposa obligeamment à la tortue le bout de son fil pour descendre, lui promettant de filer jusqu’à ce qu’elle eût touché la terre et crié : Coupez ! Mais compère Merle avait tout entendu et méditait sa vengeance. Quand la Tortue fut à moitié chemin, il cria : « Coupez ! » et la Tortue, tombant sur le dos, se brisa l’écaille contre une roche.

D’habitude la scène du déjeuner céleste et les impertinences de la Tortue, excitée par trop de boisson, divertissaient outre mesure l’auditoire ; mais, cette fois, un morne silence accueillit les saillies quelque peu forcées de la da. Elle regarda autour d’elle et ne vit que des yeux humides fixés sur Yette qui, le visage penché vers la terre, s’efforçait en vain elle-même de retenir ses larmes. Pour rompre la glace, la da entama presque avec colère une nouvelle série tout à fait inédite d’interpellations comiques entre les ani-