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L’HABITATION DU MACOUBA.

elle ne supposait pas de limites aux savanes, aux bois, aux champs de cannes de l’habitation qui lui représentait la terre entière. Une lumière insoutenable pour ses yeux si longtemps aveuglés s’était faite en elle, tandis que sa mère lui montrait, en même temps que son devoir, de grandes et sévères vérités : — mort, pauvreté, effort, sacrifice, — quels mots terribles, et comme ils devaient faire travailler son imagination !

Sur ces entrefaites, la petite sœur tomba gravement malade, et, pendant cette maladie qui désolait et absorbait toute la maison, Yette fut réellement négligée ; mais elle n’était plus ni ombrageuse ni égoïste ; ce n’était plus la jalousie qui faisait couler ses larmes. Tout le jour elle restait assise devant la porte de Cora, guettant les nouvelles. Aussitôt qu’on le lui permit, elle entra dans la chambre sur la pointe du pied, elle si tapageuse d’ordinaire, et aida de tout son pouvoir aux soins qu’exigeait l’état de Cora ; elle parlait doucement à celle-ci, l’amusait, lui apportait ses joujoux, supportait sans se plaindre qu’elle les cassât. Une nuit, la da, en ouvrant l’œil, fut frappée d’un spectacle étrange qui lui fit croire qu’elle rêvait encore. Yette avait quitté son lit ; pieds nus et en robe de nuit, elle priait devant sa