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LE BAL.

Cora se mit à danser avec cette désinvolture créole qui prête à tous les mouvements une grâce, une légèreté quasi-aérienne. On fit cercle autour d’elle. Le regard farouche du Polonais s’adoucit singulièrement lorsqu’elle lui accorda la prochaine contredanse. Enfin M. Mayer, qui n’arriva qu’assez tard, eut à peine salué Mlle Aubry qu’il se dirigea vers la reine du bal et l’invita galamment à son tour. Il l’invita même deux fois, trois fois de suite, et lui dit qu’elle ressemblait, sous ses clochettes de bruyères, à la Titania de Shakespeare.

Jamais Cora n’avait été aussi satisfaite de toutes choses et d’elle-même ; mais elle savait où faire remonter la source de ce contentement, et par intervalles son regard cherchait avec une reconnaissance infinie celui de Yette, qui se sentait alors parfaitement heureuse, bien que personne ne s’occupât d’elle. Les attentions dont M. Mayer paraissait entourer sa sœur ne lui échappaient pas et confirmaient ses espérances intimes.

« Il est si absorbé par Cora, pensa-t-elle, qu’il n’a pas même songé à me dire bonsoir. »

Et une tristesse inexplicable lui vint avec cette pensée, tristesse bien fugitive, du reste, qu’elle se reprocha aussitôt comme un mouvement