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YETTE CHEZ ELLE.

qu’elle ne pouvait pas être plus heureuse. La musique remplissait ses heures de solitude. Elle se mit à étudier sérieusement, car elle avait fini par se dire qu’avec du talent elle pourrait, elle aussi, enseigner, aider Yette à porter leur commun fardeau. M. Mayer continuait à lui donner des leçons, et parfois, le soir, il montait de nouveau les quatre étages en compagnie de Mlle Aubry qui, presque tous les jours, après son souper, rendait visite à ses jeunes amies. Ces soirées-là étaient charmantes : on servait le thé au coin du feu dans de petites tasses chinoises, des reliques de famille ; M. Mayer, qui causait fort agréablement quand il se trouvait dans un milieu sympathique et qu’on le mettait à l’aise, racontait des anecdotes de son enfance nomade, du temps où il courait, avec son aïeul le ménétrier, les foires et les noces d’Alsace, jouant un peu de tous les instruments, et amassant des sous qu’il rapportait dans le pauvre ménage de sa mère veuve. Les détails comiques et touchants s’entremêlaient dans ses récits, et le temps passait vite à l’écouter ; puis il se mettait au piano, on voilait les lumières pour établir le crépuscule qu’il aimait et à la faveur duquel il improvisait pendant des heures, émerveillant son auditoire. Cora éclatait en applaudis-