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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

dans ses yeux malgré elle. Tout à coup, elle entendit un cri étouffé, un véritable cri de douleur, et sentit qu’on lui baisait les mains avec emportement. Cora s’était jetée à ses genoux.

« Oh ! disait-elle, ma bonne Yette, ma trop bonne sœur ! Tu ferais cela pour moi, pour une égoïste, pour une évaporée, pour une méchante fille qui t’attriste par ses sottises. Si tu les oublies, moi je ne les oublierai jamais, je te le promets ; je m’en voudrai toujours de t’avoir amenée à croire que je pourrais vivre sans toi ! Si tu savais comme je vais trouver notre petit appartement joli ! comme je vais m’y plaire ! Dis-toi une fois pour toutes que j’aimerais mieux mourir de faim avec ma sœur chérie, que d’être traitée loin d’elle comme une reine !… »

Yette voulut répondre ; Cora lui ferma la bouche par ses caresses.

Depuis cette petite scène, les liens si étroits déjà qui les unissaient parurent se resserrer encore. Elles avaient éprouvé toute la force de leur affection l’une pour l’autre. Yette ne parla plus d’entrer chez les Clairfeu, Cora ne se plaignit désormais d’aucune privation, allant jusqu’à dissimuler avec soin ses moments d’ennui, s’efforçant de faire croire à sa sœur, et de se persuader à elle-même,