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LA PETITE MAMAN.

les toitures à l’ouragan. La sucrerie avait fini, en dépit d’efforts désespérés, par se trouver découverte, et une des tuiles en volant avait atteint le malheureux propriétaire à la tempe. Il était tombé comme foudroyé ; les nègres n’avaient rapporté à la maison que son cadavre.

« Quand j’ai vu que je n’avais plus de père, racontait la pauvre Cora, j’ai appelé ma sœur de toutes mes forces, j’ai crié que je voulais aller te rejoindre, que c’était la volonté de papa. On ne savait que faire de moi ; il paraît que nous sommes ruinées, fit la petite Cora en haussant les épaules avec insouciance. Une dame de Saint-Pierre devait partir pour France, elle m’a prise avec elle.

— Et moé lé allé rété épi mamselle, interrompit Mesdélices.

— La da était trop vieille pour repartir, reprit Cora, elle est avec sa fille mariée. Mesdélices a dit que j’avais besoin de quelqu’un pour me servir ; figure-toi qu’elle est devenue très adroite ; elle me coiffe et elle coud aussi bien que notre da. »

Yette ne répondait rien, elle pleurait silencieusement. Sa petite sœur, voyant cela, cacha son visage sur son épaule et se mit à pleurer avec elle. Mesdélices réglait sa douleur sur celle de ses