Page:Bentzon - Yette, histoire d'une jeune créole, 1880.djvu/231

Cette page a été validée par deux contributeurs.

191
LES VRAIS CHAGRINS.

Il y avait là, avec Mlle Aubry et M. Darcey, une petite fille en grand deuil et qui paraissait avoir environ neuf ans, une petite fille de la beauté la plus remarquable, d’une beauté telle, que Yette murmura comme si elle se fût parlé à elle-même :

« Oh ! mon Dieu ! c’est maman, c’est maman ! » tout en serrant éperdument dans ses bras celle qui ne pouvait être que sa sœur Clora. Elle baisait surtout les grandes boucles châtaines absolument pareilles à celle que son père lui avait envoyée autrefois dans l’affreuse lettre bordée de noir.

Lorsque les larmes et une sorte d’étourdissement joyeux, qui d’abord l’avaient aveuglée, lui permirent de voir clair autour d’elle, Yette distingua soudain à quelques pas en arrière une petite forme noire coiffée d’un madras, laquelle, partagée entre la joie et l’émotion, se balançait d’un pied sur l’autre, à la façon des jeunes singes ; il ne fut pas besoin de certaine croix d’or suspendue à son cou pour qu’elle la reconnût :

« Mesdélices ! cria-t-elle, étreignant avec transport l’ancienne compagne de ses jeux, ma vieille Mesdélices ! »

Il lui semblait ressaisir avec elle toute l’habitation, tout le Macouba, toute la Martinique ; elle aimait aujourd’hui cette petite négresse luisante