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LES VRAIS CHAGRINS.

l’avaient annoncé, bien que M. de Lorme, dans chacune des lettres qu’il écrivait à sa fille, — des lettres navrées qui prouvaient que ses regrets, loin de se calmer, augmentaient tous les jours, — ne manquât jamais de lui dire : « Je ne peux vivre ici, j’ai pris la Martinique en horreur ; rester davantage dans la maison désolée où ta pauvre mère n’est plus, me devient impossible chaque jour davantage. Je maudis tout ce qui me retient loin de toi, mon ange. Toi seule et ta sœur vous m’attachez désormais à ce triste monde. »

« Qu’est-ce qui le retient donc ? » demandait Yette chaque fois qu’elle recevait la visite de M. Darcey.

M. Darcey, depuis la mort de Mme de Lorme, venait très régulièrement tous les jours de parloir, s’étant aperçu qu’il réconfortait l’orpheline mieux que personne en lui parlant du père qui lui restait, de l’enfance de ce bon Georges, qui, dès le collège, était toujours prêt à se sacrifier pour les autres et qui aurait besoin désormais de retrouver cette même qualité chez sa fille aînée, le soutien de sa vieillesse. M. Darcey était d’avis que la meilleure manière de consoler les gens était de leur montrer un devoir à remplir. Sa propre expérience lui avait enseigné cela.