Page:Bentzon - Yette, histoire d'une jeune créole, 1880.djvu/222

Cette page a été validée par deux contributeurs.

182
HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

d’abréger son exil par un vigoureux effort, et aussi, convenons-en, la crainte de paraître reculer la soutenant, elle resta.

« Eh bien ! dit M. Darcey à sa femme, cette petite aura du caractère. J’aurais voulu un garçon qui lui ressemblât.

— Garçon, elle serait peut-être supportable, répondit Mme Darcey, mais jeune fille, elle laisse beaucoup à désirer. Toute cette vaillance n’est que de l’entêtement et de la mauvaise humeur, ne vous y trompez pas. »

Sans doute M. Darcey, tout positif qu’il était, pénétrait mieux que sa femme dans l’âme de Yette ; son estime, qui ne fit que croître depuis, data du jour où il la vit se rasseoir volontairement à son pupitre en dévorant ses larmes, tandis que toutes les autres pensionnaires, ivres de liberté, couraient à leurs plaisirs, et que lui-même, tenant la porte ouverte, répétait comme un tentateur :

« Il est temps encore, Éliette. Que préférez-vous ? La campagne, les bains de mer ? Nous vous emmènerons où vous voudrez… »

Le temps qu’on emploie bien ne paraît jamais long. Yette, quelle que fût la monotonie de ses journées, fut tout étonnée de découvrir un matin que le premier mois des laborieuses vacances qu’elle