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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

que nous vivons à la campagne, loin des écoles que vous avez pu suivre, ayant toujours habité dans votre première jeunesse Saint-Pierre ou Fort-de-France ; parce que, enfin, je regrette d’avoir à le dire, vous gâtez vos enfants à l’excès, plus encore que vos parents ne pouvaient vous gâter vous-même. Ce n’est pas un reproche, Marie, puisque je me sens aussi coupable que vous. Quand je rentre, harassé par les travaux qui m’appellent au dehors, je n’ai pas le courage de gronder ; mais, croyez-moi, on ne corrigera Yette qu’en la dépaysant tout à fait.

— Vous avez raison sans doute ; c’est bien cruel pourtant ! »

Et la voix de Mme de Lorme tremblait d’émotion mal contenue.

« Cruel ? C’est l’usage en tout cas ! Nos voisins, presque sans exception, n’ont-ils pas envoyé leurs enfants en France, ceux-ci au collège, celles-là au couvent ? Et tous n’ont pas peut-être des correspondants aussi sûrs, aussi dévoués que mon ami Darcey qui, certainement, veillera sur Yette comme j’y veillerais moi-même.

— Soit ! mais sa femme ne saura pas me remplacer.

— Parce qu’elle est un peu mondaine, un peu