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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

lité de mouvements dont elle s’était vantée à juste titre.

« C’est fait ! » souffla-t-elle à l’oreille de sa complice.

Elle faillit sauter de joie en parlant ainsi. Enfin ! elle était donc dégagée de ce pesant fardeau du mystère, elle pouvait respirer librement ! Le facteur passait toujours à midi. En prenant place au réfectoire, Yette dit précipitamment à Héloïse :

« Elle est partie depuis cinq minutes ! »

Et son imagination lui montra sa missive fuyant à toute vapeur sur la mer bleue. Il lui semblait que chaque seconde portât plus près de leur destination ses plaintes et ses prières, qui, elle n’en doutait pas, seraient exaucées. Malheureusement les deux complices avaient compté sans une petite formalité. Toutes les lettres jetées à la boîte, après avoir passé par les mains de Mlle Aubry, devaient être revêtues du timbre de la pension ; cette estampille était une sorte de laissez-passer dont il était expressément recommandé au facteur de tenir compte. En outre, cet employé du service le plus régulier de France trouva je ne sais quelle allure suspecte à un pli griffonné au crayon et fermé par une épingle.