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LA LETTRE.

d’Héloïse Pichu, dit la directrice avec un imperceptible sourire, et cela pour des raisons où la boutique d’épicerie n’a rien à faire. Héloïse est une bonne petite fille, mais c’est un esprit des plus bornés, et vous savez que, pour dresser un jeune cheval, le meilleur moyen est de l’atteler avec un compagnon d’expérience, rompu au harnais. Mlle Yette eût mieux fait de rechercher la société de sa voisine de classe, Jeanne Dupré, dont les succès ne se sont jamais démentis. Nous nous sommes efforcées de les rapprocher, mais inutilement.

— Je ne peux pas souffrir votre Jeanne, interrompit Yette en faisant la moue ; elle n’est pas méchante, elle ne m’a jamais taquinée, mais elle ne parle que de choses que je ne comprends pas, et hier elle a prétendu que les personnes qui, comme moi, refusaient de se servir de leur intelligence étaient bien au-dessous des bêtes.

— C’était un peu vif peut-être, dit Mlle Aubry, mais au fond elle n’avait pas tort. Un animal qui fait usage de tous les dons que Dieu lui a accordés, vaut mieux qu’une petite fille qui refuse d’appliquer son cerveau plus parfait à rien de sérieux. »

Mme Darcey et Mlle Polymnie furent de l’avis de

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