seize ou dix-sept ans. Malheureusement, leurs manières, comme on le verra bientôt, n’étaient pas en rapport avec leur âge. Au réfectoire, du reste, aucun mauvais sentiment ne pouvait se faire jour puisqu’il était défendu de parler. Mlle Aubry présidait le repas sans y prendre part ; rien n’échappait à ses yeux de lynx. Tout autour d’elle, des tables couvertes de toile cirée étaient placées symétriquement les unes à côté des autres. Une timbale, un couvert passé dans le rond de serviette, une assiette qu’on ne changeait jamais, marquaient la place de chaque élève. En outre, chaque table était pourvue d’une carafe d’eau et de vin, mélange connu sous le nom d’abondance.
Mlle Agnès se mit à lire tout haut après le benedicite. C’était l’histoire d’un héros de l’antiquité aussi étranger à Yette que les participes eux-mêmes. Elle crut qu’on parlait grec et s’y résigna. Cependant les plats circulaient. Ces plats n’étaient ni meilleurs, ni pires que ceux dont se compose le menu ordinaire des bonnes pensions parisiennes ; mais Yette, habituée aux courts-bouillons et aux sauces épicées, pimentées, qui, dans les pays chauds, sont indispensables pour aiguiser l’appétit, eût trouvé fade le meilleur dîner. Le bœuf à la mode de Mlle Aubry lui inspira