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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

vrait l’œil avec les oiseaux, venaient toujours l’arracher si gaiement à son sommeil ! Puis sa mère entrait avec quelque belle fleur éclose dans la nuit et encore chargée de rosée, dont le parfum remplissait toute la chambre. Les enfants couraient à leurs ablutions matinales comme à un jeu, avec l’entrain de petits canetons dont le premier instinct est de plonger.

Une débarbouillerie de pension avec ses robinets surmontant la longue rangée de cuvettes n’invite à rien de semblable. Il fallut beaucoup de temps pour démêler la chevelure de Yette, un fouillis, disait la servante préposée à cette besogne, une vraie broussaille ! Comment pouvait-on être assez sauvage pour ne pas porter de bonnet de nuit ! Yette ignorait même ce que c’est qu’un bonnet, mais elle se voyait, grâce à ses cheveux, fort en retard et commençait à comprendre, sinon à goûter, le conseil que lui avait donné Mlle Hortense Aubry de se faire tondre.

Pour une fois, on lui pardonnerait son inexactitude. Elle dut cependant faire toute seule les prières qui se disent en commun dans la salle de classe et manger froide, après toutes les autres, la simple soupe qui désormais remplacerait pour elle la délicieuse eau de café adoucie au gros