Page:Bentzon - Yette, histoire d'une jeune créole, 1880.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

16
117
LE PENSIONNAT.

porte de perdre, s’écria Mlle Aubry, la contrefaisant : J’oé, Mâtinique ! Que faites-vous de vos r ? Et biétôt ! Ce biétôt ne peut se souffrir ! »

Yette baissa la tête comme si on l’eût accusée d’un crime, tandis que la da relevait au contraire son nez épaté, de l’air dédaigneux d’une personne qu’on insulte personnellement et qui s’en moque.

« Cette maîtresse d’école de Paris, dit-elle plus tard en son jargon, va nous apprendre peut-être à prononcer le nom de notre pays qu’elle ne connaît pas !

— Une fille de neuf ans doit savoir déjà bien des choses, continua Mlle Aubry.

— Non, rien !

— Lire et écrire du moins ?

— Rien, répéta Yette, je ne sais rien !

— Enfin, dit la directrice, s’étudiant à ne pas paraître scandalisée, c’est de la modestie de le reconnaître. Vous avez conscience de votre ignorance, vous en rougissez… nous ferons quelque chose de vous. Mais j’aurai le regret de vous infliger d’abord une petite humiliation. Vous serez tout au bas de la dernière classe.

— Oh ! cela m’est égal, » dit Yette, avec une philosophie qui ne promettait pas de bien sérieux efforts.