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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

La da, debout derrière la chaise de sa maîtresse, regardait cette longue personne vêtue de noir d’un air navré, en se félicitant de ne pas savoir lire, puisque la science desséchait de la sorte ceux qui la possédaient.

« Approchez, ma petite amie, dit Mlle Aubry, attirant à elle sa nouvelle élève, ne tremblez pas ainsi. Votre nom ?

— Yette, dit la petite, que l’on n’avait jamais appelée autrement que par diminutifs familiers, selon la mode créole.

— Éliette de Lorme, interrompit Mme Darcey.

— Eh bien ! mademoiselle Eliette aura le no 113, dit tranquillement Mlle Aubry. Je vous engage à le faire graver sur sa timbale. Quant aux autres marques, nos lingères s’en chargeront. En pension, les initiales sont remplacées par un chiffre, ajouta-t-elle, s’adressant à Yette : vous êtes désormais le petit 113. »

La da ne put retenir un léger grognement. Cette manière d’effacer la personnalité de sa maîtresse lui paraissait peu respectueuse.

« Votre âge, mon enfant, continua la directrice ; où êtes-vous née ?

— À la Martinique. J’aurai bientôt dix ans.

— Oh ! voilà un accent défectueux, qu’il im-