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LE PENSIONNAT.

mais fort longues, lorsque, d’une voix brève, accoutumée à donner des ordres, elle pria ces dames d’entrer dans son petit salon.

Quelques phrases banales furent échangées d’abord entre Mme Darcey et l’ancienne directrice de Mlle Polymnie. Pendant ces préliminaires, Yette examinait les détails du petit salon qui n’avait rien d’un boudoir ; des planches de bois noirci supportaient une quantité innombrable de livres, depuis le tapis jusqu’au plafond. La petite échelle volante placée dans un coin servait sans doute à atteindre les rayons les plus élevés. Il y avait des carrés de tapisserie devant chaque chaise, et sur la cheminée une muse drapée, qui pouvait bien être la Polymnie antique, toute différente de Mlle Polymnie Darcey, s’accoudait à une pendule dont le tic-tac régulier remplissait les lacunes de la conversation. Les chaises, de style Empire, en acajou garni de velours d’Utrecht rouge, étaient anguleuses comme les formes mêmes de la maîtresse du lieu ; celle-ci, bien qu’on ne pût lui reprocher de fait que sa maigreur, ses cinquante ans et une mine quelque peu sévère, se trouva, on ne sait comment, réaliser, aux cornes près, tout ce qu’avait rêve d’affreux l’imagination de la petite créole.