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PREMIER ACCUEIL.

facile à prévoir. Yette, les joues en feu, la gorge serrée par une contraction nerveuse qui lui faisait craindre d’étouffer, chercha quelque temps son mouchoir de la main que l’étreinte de Mme Darcey laissait libre, et, ne le trouvant pas, prit le parti de relever brusquement sa jupe pour y cacher un visage inondé de pleurs. Ce mouvement fut accueilli par des rires et des expressions de condoléance entremêlés, que couvrait un grand frou-frou de soie. Mme Darcey parut choquée ; elle n’avait pensé, en parlant d’une famille opulente à laquelle l’unissaient quelques liens de parenté lointaine, qu’à satisfaire sa propre vanité.

Créole comme la mère de Yette, cette personne, remarquablement belle et élégante du reste, résumait en elle tous les travers d’une race dont Mme de Lorme n’avait que le charme et les meilleures qualités. Ses parents, d’origine bourgeoise, s’étaient affublés par vanité du nom de La Falaise, probablement celle où se trouvait située l’habitation de leurs ancêtres, habitation qu’ils n’avaient plus, si elle avait existé, car on ne leur connaissait qu’un comptoir, autrement dit un magasin. De bonne heure, Mlle de La Falaise avait aspiré aux délices de la vie parisienne entrevues dans un voyage. On eût dit que Saint-Pierre où elle était née fût