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VIII
PRÉFACE

La postérité fut peut-être un peu froide, sinon injuste pour Benserade, et s’il n’avait eu la vaniteuse sagesse d’escompter la gloire de son vivant, il courrait grand risque de rester à jamais dans l’ombre, en dépit des maigres silhouettes de sa personne, tracées çà et là de nos jours, parmi des portraits d’oubliés et d’extravagants, ou des études poétiques sur le XVIIe siècle.

Notre poëte mérite cependant plus de considération qu’on ne paraît lui en accorder, car si le nom de Molière ne s’était pas dressé, superbe et accaparant dans son despotisme de gloire, Benserade serait certes regardé encore aujourd’hui comme une des plus curieuses originalités littéraires de la cour du grand Roi.

L’auteur du Misanthrope, à ses débuts, ne dédaigna pas de glaner ses succès dans la manière et le style de Benserade ; il rivalisa même avec lui pour les ballets du Roi, et ne prit pied à la cour qu’en longeant, en quelque sorte, la voie audacieuse que ce dernier s’y était tracée.

Avant la redoutable apparition de Molière, trois poëtes étaient jugés grands et originaux : Voiture, Benserade et… Corneille. La cour professait son estime pour les deux premiers, mais le public préférait l’autre. Le temps s’est fait grand justicier d’une appréciation qui nous étonne et nous fait sourire, aussi n’aurons-nous pas l’outrecuidance d’en appeler en faveur de notre protégé. Nous ne dirons pas avec le prince de Conti, que ce Monsieur de Benserade est