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STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES.


Je voy bien qu’il me faut contraindre,
Et qu’il vaut mieux ne point parler,
Ne pouvant parler sans me plaindre
Des feux dont je me sens brûler.

Laissons le récit déplorable
Du sort d’un malheureux amant ;
L’on ne trouve rien de charmant
Dans l’entretien d’un misérable.
Le triste objet de ses travaux,
Le nombre infini de ses maux,
Le cours éternel de ses larmes,
Ses désespoirs, ses déplaisirs,
Ne vous feroient point voir de charmes
Qui pussent flatter vos désirs.

Quel objet vous peut-il dépeindre,
Dans les supplices qu’il ressent.
Qu’un tourment sensible et pressant
D’une ardeur qu’il ne peut éteindre ?
Mais lors qu’il vous seroit offert,
Le tableau sanglant de ses fers
Ne serviroit qu’à vous déplaire,
Et l’excès de sa passion,