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TRAGEDIE.

Parlons-en toutes fois. Quand l’eſprit de Thetis,
Eut lû dans les ſecrets du deſtin de ſon fils,
Par le conſeil ruſé d’une crainte ſubtille
Sous l’habit d’une femme elle déguiſe Achille,
Et cette invention la tire de ſoucy,
Tous les yeux ſont trompez, & ceux d’Ajax außi ;
Que fera mon eſprit pour le bien de la Grece ?
S’il ne trompe une mere, & meſme une Deeſſe ?
Pour eſtre mieux Uliſſe il faut ne l’eſtre point,
À mon déguiſement l’artifice ſe joint,
J’étalle ce qui rend les filles mieux parees,
Et parmy tout cela quelques armes dorees,
La curioſité fait que je les cognois.
L’une orne ſes cheveux, l’autre pare ſes doigts,
L’une prend des habits qui relevent ſes charmes,
L’autre prend des joyaux, Achille prend des armes.
Je le voy, je l’amene, & luy dis à l’inſtant,
Marche contre Ilion, ſa ruïne t’attend.
Tous ſes faits ſont les miens, par moi Thebes fut priſe,
Et Lesbos ſacagée, & Tenede conquiſe,
Troye en la mort d’Hector commença de perir,
Je ne l’ay pas tué, mais je l’ay fait mourir ;
Enfin par le ſecours de mon ſage artifice
Tout ce qu’a fait Achille eſt ce qu’a fait Ulyſſe.
À ſes armes (Seigneurs) puiſ-je pretendre à tort ?
Vif, il en eut de moy, qu’il me les rende mort.