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LA MORT D’ACHILLE.

Aide contre toy-meſme à la fureur celeſte,
Couvre ce qui n’eſt plus, opprime ce qui reſte,
Ce coup apaiſera la colere des Dieux,
Et s’il eſt volontaire, il ſera glorieux.
Des reſpects (Polixene) & la mort de Troïle
Sont enfin les doux fruits de l’amitié d’Achille ?
Voilà des traits d’un cœur qui n’adore que vous,
Voila comme il vous aime, & comme il eſt pour nous :
Außi je m’eſtonnois que cet inexorable
Vous euſt veu malheureuſe, & vous euſt crûe aymable,
Euſt connu des attraits parmy tant de malheurs,
Et qu’il euſt veu voſtre œil au travers de ſes pleurs.

Polixene.

Nous luy devions ravir d’une puiſſante amorce
Avec l’inimitié le pouvoir, & la force,
« C’est ainſi qu’on s’aſſure, & c’eſt eſtre imprudens
Qu’aprivoiſer un Tigre, & luy laiſſer des dents. »

Pâris.

Quand j’aperceus Troïle aveuglé par ſa gloire,
Je commençay dés lors à craindre la victoire ;
Je vis où ſe romproit ſon inſolent effort,
Il portoit ſur le front nos malheurs, & ſa mort ;
Achille euſt bien voulu pardonner à mon frere,
Il fut impatient, l’autre fut temeraire.