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LA MORT D’ACHILLE.

Inconſtant, infidelle, eſt-ce là cette foy
Que tu m’avois juré qui ne ſeroit qu’à moy ?
Quoy te verray-je donc entre les bras d’une autre
De qui l’affection n’égalle point la nôtre ?
Qui te ſuſcitera les fureurs de l’enfer,
Et ne t’embraſſera qu’afin de t’étouffer ?
Qu’Amour te faſſe voir ma rivale plus belle,
Tu peux bien t’aſſurer qu’elle t’eſt moins fidelle :
Donc ſans changer l’object de ton contentement,
Vis avec moins de joye, & vis plus ſeurement :
Auray-je cet affront moy qui fus glorieuſe ?
Non, non, vivons aymee, ou mourons odieuſe.

Achille.

Que voulez-vous, jalouze ! ha que mal à propos
Je pris cette importune au ſiege de Leſbos
Pour acroiſtre l’ennuy de la guerre de Troye,
Et pour perſecuter mon repos, & ma joye !
Il eſt vray, Polixene occupe mon ſoucy,
Vous éclatez, la belle, & moi j’éclate außi :
Je ne veux plus ſouffrir que vôtre orgueil me brave,
Polixene eſt maiſtreſſe, & vous eſtes eſclave,
Je luy rends par devoir, & d’inclination
Ce que je ne vous rends que par affection,
On vous aime, on vous ſert, vous eſtes reveree,
Mais c’eſt vous captiver d’une chaîne doree.