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De Bensseradde.

640La generoſité vivre où mouroit l’amour,
Je veux ſuivant ſes pas ſignaler ma memoire,
Je le fis avec honte, & le fais avec gloire.
Cleopatre, un tel acte estait digne de vous,
J’en ſuis moins affligé que je n’en ſuis jaloux,
645Une ſi belle mort me donne de l’envie,
Et mon œil plutoſt quelle eût pleuré votre vie.
Quand mon cœur dans les maux dont mes jours ſont ſuivis
Me vient dire de vous, elle eſt morte, & tu vis ?
Je reſpons à ce cœur pour conſoler ſa peine,
650Elle eſt morte, il eſt vrai, mais elle morte en Reine ;
Voſtre deſtin me plaiſt, je ne vous pleure point,
Puis qu’un meſme trépas l’un à l’autre nous joint,
Je me plains ſeulement qu’en imitant le voſtre
Je fonde ma vertu ſur l’exemple d’un autre,
655J’ai honte qu’une femme, estant ce que je ſuis
M’enſeigne le moyen de borner mes ennuis,
Mais dans une douleur comparable à la mienne
L’on reçoit du ſecours de quelque main qu’il vienne,
Et je croy qu’il vaut mieux n’eſtre qu’imitateur
660D’une belle action que d’un vice l’auteur.
Eros, ceſt maintenant que mon malheur me preſſe,
Qu’il te faut ſur ma vie accomplir ta promeſſe,

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