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De Bensseradde.

Ils ont lancé des feux, ils ont versé des larmes,
J’ay trahy mon Antoine, & j’ay donné les pleurs
Deubs à ſon ſouvenir à mes propres malheurs,
À de foibles attraits mon ame s’eſt fiée,
1680Ceſar m’a fait faillir, & m’en a châtiée,
Et comme je voulois qu’il devint mon amant,
Le ſujet de mon crime en eſt le châtiment.
Ainſi ma gloire eſt morte, on ne me la peut rendre,
J’ai veſcu pour la perdre, & meurs pour la defendre :
1685J’ay voulu ſoûpirer pour des objets nouveaux,
Et d’un ſecond hymen rallumer les flambeaux ;
N’eſt-ce pas là ternir l’honneur qui me renomme ?
Apres cette action dois-je avoir peur de Rome ?
Non, non, d’ailleurs la honte augmente mon ennuy,
1690Je n’ay peur que d’Antoine, & pourtant je le ſuy.

Eras.

Ce n’eſt pas mon deſſein comme lâche, & peureuſe,
De vous diſſuader une mort genereuſe,
Au contraire, Madame, en cette extremité
Je ſervirois d’exemple à vostre majeſté,
1695Et je croirois luy rendre un ſervice fidelle
Me faiſant homicide, & de moy-meſme, & d’elle,
Auſsi ne faut-il pas qu’un peu d’émotion