Ton amitié ſubſiſt e, & ceſt ce qui m’étonne,
Tu hais qui me trahit, tu fuis qui m’abandonne,
Tu ne t’éloignes point de mon ſort rigoureux,
Sans toi je me dirais tout à fait malheureux.
Je ſerois bien ingrat.
Qui trahit ma fortune, & qui cauſe ma peine,
Cruel reſſ ouvenir de mes vieilles douleurs !
Cleopatre, Lucile, a fait tous mes malheurs,
Ses yeux ſont les auteurs des maux dont je ſouſp ire,
Ils m’ont fait leur eſclave, & m’ont coûté l’Empire,
Depuis que leur éclat a changé mon bonheur,
Pour avoir trop d’amour, je n’ay plus eu d’honneur,
J’ay mépriſé la gloire, & j’ay pris l’habitude
D’aymer la liberté moins que la ſervitude,
Et depuis qu’avec moy Cleopatre a veſcu,
Je n’ay fait des combats que pour eſt re vaincu :
Tu ſçais comme autrefois peu jaloux de ma gloire
Pour ſuivre ſes vaiſſ eaux je quittay la vict oire,
En ce combat naval où je fus ſurmonté,
Où Ceſar ne vainquit que par ma lâcheté,