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GRANDGOUJON

Et ils dégringolèrent l’escalier. Toute la maison, d’ailleurs, descendait. Toutes les maisons voisines se retrouvèrent dans la rue. Madame des Sablons était déjà sur le trottoir. Elle portait des gâteaux et des cigarettes ; elle n’avait jamais été si blonde, et elle criait : « Vive la France ! »

Grandgoujon perça la foule. Haletant, il disait : « Pardon… laissez-moi passer… c’est du pinard pour les gars… »

Il sortit un tire-bouchon de sa poche, et se mêla aux Alpins.

— Je suis le père Grandgoujon, les poteaux !… J’ai quarante ans et je reviens de chez vous : je sais à qui je parle !… Vous êtes prodigieux !… La France a toujours été le pays des soldats formidables !… Voilà déjà trois bouteilles… des bouteilles qui sont des litres… On va vous en redescendre… Mariette, approchez donc, nom d’une pipe en terre !… Ah ! le père Grandgoujon vous admire !… Tendez vos quarts, les gars… Vive la France ! Et à la victoire !… Quelle journée, mes enfants !… Connaissiez-vous Paris, Paris qui vous aime et vous acclame ?… Et vous rendez-vous compte de ce que vous êtes, vus de là-haut ?

Il désignait son balcon. Les Alpins riaient. Des femmes et des jeunes filles, mêlées aux troupiers, bourraient leurs musettes. Et des fenêtres de toutes les maisons, des vieux ou des enfants, qui n’avaient pu descendre, jetaient des paquets que les soldats attrapaient au vol. Tout le cœur de cette capitale se donnait dans un élan. Il y eut là des minutes lyriques. Cette foule impro-