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GRANDGOUJON

Vous m’avez cru une truffe, moi ? Alors j’ai la réputation… Eh bien ! vous allez sortir, tous les deux, illico… je ne vous connais pas… il y a quinze ans qu’on ne s’est vus… Et puis…

Sa voix s’enfla, dramatique :

— Prenez garde !… parce qu’aujourd’hui je suis un homme malheureux.

De son index il désignait la porte. Rageuse, la nièce reprit :

— Nous ferons mettre les scellés !

Il dit :

— D’abord sur votre langue !

Puis il écrivit au dos de sa feuille verte.

— Voici l’adresse du notaire familial. Allez gémir chez cette fripouille. Payez-le pour avoir des consolations. Il prend toujours toute espèce d’argent.

Il tendait le papier sur lequel, déjà, la nièce fixait des yeux avides.

— Ce papier, ajouta-t-il, vous dira même le montant de mes contributions ; c’est palpitant à connaître, mais je ne les paye jamais… à titre d’embusqué !

— Oh ! s’écria la nièce, inutile de simuler des discours d’anti-patriote. On sait ceux que vous tenez.

— Et je vais les réunir en brochure ! affirma Grandgoujon.

Il affectait de ricaner, mais il grondait. Puis il remontra la porte, disant encore :

— C’est curieux, hein, la vie ? On s’apprête à mordre dans une bonne poire ; et la dent ren-