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GRANDGOUJON

rire ; mais elle était rouge, elle avait été saisie, et Moquerard simulait la panique :

— Je fuis… je fuis !

Le clown ordonna :

— Restez, siouplaît !

Il avait reprit ses œufs. Cette fois, Madame Grandgoujon n’eut pas le temps de crier. Hop ! Il lança. Elle mit simplement les mains devant sa figure, mais… tous les œufs étaient attachés par des élastiques, et, projetés à un mètre du panier, y revinrent automatiquement.

— Ah ! Ah ! faisait Moquerard, c’est drôle, très drôle ! Oh ! que c’est drôle !

Et il donnait des coups de tête dans le vide.

— Madame Grandgoujon, fit-il de sa voix de fausset, êtes-vous contente ?

Madame Grandgoujon ne bougeait plus, la tête sur l’épaule. Cramoisie, elle haletait. Son fils se précipita. Mais le clown s’était écroulé avec tous ses œufs qui, cette fois, répandaient sur la piste une coulée jaune ; et la salle s’esclaffait. Moquerard tapait le rebord de la loge. Grandgoujon cria :

— Qu’est-ce qu’a ma mère ?

Il lui prit la main, lui remua le bras. Elle ne regardait plus.

— Ma mère se trouve mal !

Moquerard n’entendait rien. Il répétait : « Regarde ! Regarde-le donc ! » Le clown, droit sur la tête, lisait son journal à l’envers.

— Je te dis, hurla Grandgoujon au milieu du déchaînement des rires, que ma mère…